mercredi 1 septembre 2010

L’Armée d’en Face ! I

Mes maîtres m’avaient trahi & mit ma tête à prix pour une somme rondelette qui aurait dû me remplir d’orgueil si je n’avais dû être toujours sur mes gardes durant ce voyage qui me fit traverser le continent pour aboutir épuisé ici, il y a bientôt deux sixaines d’années, dans ce vieux pigeonnier en ruine dont j’avais fait ma résidence ! Je m’étais bien vite habitué à cette vie d’ermite… En fait, dès que j’eus enterré mon armure & mes sabres sous ma litière… Mon instinct de tueur m’avait retenu de les jeter dans la rivière proche où je faisais désormais mes ablutions… Vivant de ma pèche, d’un peu de chasse & de la cueillette des fruits vêtu d’un simple pagne en toute saison &, ne dormant que par cycles de 10 minutes par tranche de 3 heures, je passais mes nuits à méditer sur les restes de la charpente de mon abri & à observer la nature…
Au début les villageois se défiaient de moi lorsqu’il m’arrivait rarement d’aller quémander un bout de tissus ou un vieux chaudron… Certains enfants me jetaient des pierres pour me chasser… Je n’arrivais même pas à leur en vouloir : Combien de personnes avais-je bien pu tuer durant ma carrière d’assassin ? 2, 3000 peut-être ? J’avais compris que ce nombre ne cesserait de grandir dès mon premier meurtre & avais aussitôt oublié de compter ! J’avais 14 ans & de belles dispositions comme surent si bien l’apprécier mes maîtres, avant de se sentir menacé par mon art & de me trahir… Maudits soient ces chiens !
C’est le jour où je sauvais cette petite fille que leur attitude commença à changer à mon égard… J’avais assommé d’un coup de poing le cheval affolé qui dévastait les étals & qui venait de la piétiner. Elle avait reçu un violent coup au visage & les cotes enfoncées… Mon expérience des champs de batailles & mes connaissances du corps humain avaient réduit les fractures avant même que je m’en rende vraiment compte. Je la portais dans sa chambre & la veillait toute la nuit sans que personne ne m’ait jamais encore adressé la parole… Ce n’est que bien plus tard que je fis cette constatation… 
Mais de ce jour, ils me virent sous un autre angle que je découvrais en même temps qu’eux… La famille de la petiote commença par m’amener des offrandes en priant devant moi… Je tentais vainement de les relever sachant que ce que j’avais fait n’avait été géré que par le tueur & non par l’homme sage vers lequel je tendais… Puis renonçais en les remerciant silencieusement & en dégustant les bols de riz & autres brochettes qu’ils m’apportaient de plus en plus fréquemment. Pourtant, la première voix humaine qui s’adressât directement à moi pour ne pas m’insulter, me chasser & plus récemment, me vénérer est gravée dans ma mémoire : Ce jour-là, ils vinrent avec leur fille totalement remise, je découvris alors son nom : Ileal ! Me dit-elle en se présentant respectueusement devant moi ! Ce nom résonne comme un chant à mon oreille… Pour la première fois depuis huit ans, une simple vibration sonore devint musique ! 
C’est de la magie ! Un cadeau du ciel ! Je m’agenouille devant elle & dans un sourire baigné de larmes & alors que je baise ses mains, j’ose articuler son nom à haute voix ! ILEAL ! Je ne suis plus muet de ce bonheur ! Serais-je guéris ? Pardonné ? Plusieurs paysans étaient présents ce jour-là… Suivant l’exemple d’Ileal, ils commencèrent eux aussi à m’adresser la parole… Je du bien leur répondre ! Ileal avait été le premier cri, la note primale… Le reste de la symphonie prenait place & je me retrouvais soliste face à l’orchestre… Comment leur expliquer que j’étais aphone de ces silences mortels qui inondaient mon passé ? S’il y a un principe qui nous dépasse, je le remercie de l’attention qu’il a bien voulu me porter à cette époque ! 
Je réapprenais à communiquer & ce n’étais pas pour parler stratégies, meurtres & j’en passe… Nous n’échangions que sur la vie, comment la préserver, la rendre meilleure…
Je crois que c’est la plus belle année de ma vie… Mais je n’ignorais pas que les temps allaient changer… Du haut de ma ruine, je les voyais s’approcher chaque nuit, ces feux ! Je connaissais trop la guerre pour ne pas douter qu’elle allait bientôt arriver au pied de cette pauvre tourelle… 7 jours peut-être, 9 au mieux… J’avais averti les villageois & tenté de les faire aller se réfugier dans les montagnes… Peine perdue ! Ils étaient naïfs & innocents… Aujourd’hui ils sont morts ! L’armée d’en face avait frappé & il ne subsistait rien sur son passage !
Je restais la nuit entière à serrer le petit corps abîmé d’Ileal dans mes bras, maudissant les ténèbres ! Implorant la pitiè ! Laissant ressurgir ma haine ! Pleurant au manque d’amour !
À l’aube je l’enterrais, laissant les autres cadavres à l’appétit des charognards qui étaient déjà à la noce & remontais vers mon pigeonnier désormais aveugle ! La pluie commença à tomber tandis que le ciel se couvrait de nuages de plus en plus sombres & que la colère s’imposait à moi ! Ils m’avaient redonné la parole… Le goût… L’odorat & même le touché & l’envie & on les supprimait de ma vue… Je sentais les énergies en conflit s’opposer autour de moi & essayais de ne pas lâcher les miennes… J’avais du mal à les gérer, mais je savais qu’il me faudrait gagner du temps si je voulais vaincre cette fois ! La vengeance m’affaiblirait & je devais dépasser cela ! La magie était puissante & cherchait à me faire taire… Je lançais un puissant sortilège alors que je refermais la porte miteuse derrière moi & montais directement au sommet du pigeonnier…
Elle était là ! Splendide ! Impressionnante ! Les reflets de son armure m’éblouissaient ! La révélation se fit en moi ! Depuis toutes ces incarnations, c’était Elle ! Toujours Elle ! Mais non pas la Guerre… Ni la Mort… C’était juste Elle qui se protégeait derrière cet affichage de force & de violence… L’Armée d’en face était mon ennemi personnel ! Mon reflet dans le miroir… Il me fallait le vaincre pour accéder à cet état qui m’apporterait enfin la paix ! & cela ne pouvait plus se faire sans cet ultime combat avec Elle… Je descendais après un long échange de regard lourd de sens les restes de poutres qui me servaient d’escalier… Elle voulait se battre ! Trouvait que c’était le bon moment ! Soit ! Elle l’aura voulu ! 
Illustrations de Feodor Tamarsky

dimanche 29 août 2010

LA GARE DE LES TOILES*

Épisode VIDCVCOQP**
C’ÉTAIT
IL Y A TRÈS LONGTEMPS,
DANS UNE TRÈS, TRÈS,
TRÈS LOINTAINE GALAXIE
…***

Tout d’abord quelques notions spatiales : Par définition, l’univers est infini. En constante expansion, certes, mais infini. Je sais, ça fait mal ou je pense, mais c’est comme ça. Un point c’est tout !
Il est donc probable, dans cet univers déjà infini, bien que toujours en expansion, qu’il soit, disons, observable, une infinité d’événements aussi incongrus ou bizarres qu’ils puissent paraître.
La planète qui nous intéresse ici fait partie de ces anomalies improbables de ce susdit univers infinito-expansionniste. De par sa situation tout d’abord ! Vous voyez le bord extrême de la galaxie ? Et bien, c’est juste un peu plus loin et, euh, sur la gauche… Un peu plus haut… En années-lumière… Non, plus bas… Là, oui, c’est bien… Un peu plus à droite… Vous brûlez… Là… Oh oui, c’est bon ! Continuez… Aaaaooouiiii… Vous y êtes ! Merci !
Bon, je sais, c’est un champ de météorites on ne peut plus banal : chance de survie un peu en dessous de zéro degré Kelvin, et là, un tout petit peu plus loin : un trou noir. Pareil, pour survivre là-dedans, peu d’espoir… Et bien, en plein milieu de ce champ, si vous regardez bien, vous pouvez voir une forme ovoïde tirant sur le cube aux coins. Si, si, c’est possible ! On comprendra aisément que, vu l’entourage, la taille optimale choisi par cette planète ait été proche de la tête d’épingle, mais comme on ne fait pas toujours ce que l’on veut, elle avait plutôt celle d’un point noir sur le bout du nez de l’univers… Et s’il n’est pas étonnant que l’on trouve de la vie un petit peu n’importe où, il est plus stupéfiant qu’elle se soit développée ici, entre autres, et encore plus pour prendre la forme humanoïde de Luc, notre héro dont nous parlerons plus tard, et de ses congénères : une tête, deux bras, deux jambes, un tronc et le tout placé aux endroits à peu près normaux et ce aux proportions adaptés à leur environnement, soit : le plus petit possible…
Mais approchons nous plus près… Au premier abord, elle à l’air on ne peut plus normale, hormis sa taille dont nous avons déjà expliqué la raison, et même un géologue averti muni d’une bonne loupe la qualifierait de classique. Grave erreur ! Quand on est situé au cœur d’un champ d’astéroïdes qui ne pensent qu’à faire la nouba en dansant le pogo (ça, c’est vraiment s’éclater !) et qu’on ne sait pas, ou qu’on a pas envie de danser avec les grands, surtout si la salle de bal est située un chouille trop près d’un trou noir à son goût et bien :
A) On essaye de se faire encore plus petit si possible et,
B) On développe très rapidement une bonne petite parano qui,
C) Peut avoir des répercussions difficilement réversibles mais altérant définitivement le comportement de la petite entité paranoïaque susdite la classant hors classement dans le DSM IV revu et corrigé avec illustrations et preuves à l’appui.
Et bien, là, c’est le cas et l’on découvre que ce que l’on croyait seulement applicable à l’homme, voire, à certains animaux, et bien, euh, c’est un peu gênant tout de même, mais enfin… Bon, ben, c’est aussi valable pour une planète… Voilà, c’est dit ! Et là, c‘est bien le cas ! Cette planète est complètement parano, plus, tu meurs, et justement, c’est là le problème, elle, elle ne veut pas mourir. Dans son environnement, ça relève presque du masochisme… Que voulez-vous ? Chacun son truc !
Donc, si vous observez bien, je veux dire, si vous observez mieux et de plus prêt, vous pouvez voir ces gros trous en forme de cônes mal dégrossis. Ce sont les montagnes ! Et tout le reste est à l’avenant : tout ce qui devrait surgir, s’ériger, émerger, tout ça, et bien, ça s’enfonce, se retire, coule… Vous comprenez ? Et, pour le contraire, ça marche aussi ! Vous voulez voir la fleur d’un Gynécoclitus Épinauséeux ? Facile : Trouvez les racines ! Elles peuvent se dresser vers le ciel jusqu’à une bonne vingtaine de mètres. Il ne vous reste plus qu’à creuser… Vous voyez le tableau ? Les fleuves ne descendent pas vers la mer, ils remontent… Les courants d’air vont lentement à reculons… Une tempête se fait si discrète que, sur une autre planète, on dirait qu’il fait beau… Et ainsi de suite… Le décors est planté…

* Pour des raisons encore mal comprises à ce jour, le premier traducteur choisi était plutôt mauvais, voire, carrément nul… Il a été viré mais la couverture étant déjà imprimée, le titre qui aurait du être impactant et mémorable est resté tel quel. L’éditeur vous présente toutes ses excuses.
** Moi et les chiffres romains, ça fait deux…
*** En fait, pas vraiment dans… Plutôt à l’extérieur d’une très lointaine galaxie.

jeudi 26 août 2010

Des Mensonges…

« Les temps ont-ils vraiment changé ?
N’hésite pas à mettre en doute tout ce que je dis…
Ne crois pas ce que je raconte, ce que je te raconterai, peut-être…
Ou plutôt si : crois-moi, crois-moi avec le maximum de crédulité 
dont tu es capable…
Et puis, dès que l’histoire est terminée, mets la en doute…
Totalement !
Puis, détermine seul ce que tu peux croire, ou ne pas croire…
Dis toi que le mensonge est toujours plus crédible que la vérité, 
et cela, pour une excellente raison :
Un mensonge est fait, précisément, pour être cru…
Il est conçu et raconté dans ce but…
Celui qui te ment sait ce que tu souhaites croire…
Et si, malgré cela, tu te rends compte, ou tu as l’impression que l’on cherche à te tromper, prends simplement courage dans le fait qu’on estime nécessaire de le faire…
Prends espoir…
Espoir ? »
Patrice DUVIC - Poisson pilote - 1979

Qui étais-je le jour où j’ai lu ces mots pour la première fois ?
Quelle heure pouvait-il bien être ?
Vers 9 heures, je sais déjà tout : Personne ne me comprendra jamais… Mes parents, mes amis, mes ennemis, tous me prennent pour quelqu’un d’autre… Que je ne suis pas… Que j’essaye de devenir…
Il n’est pas 10 heures… Je n’ai pas encore d’enfants, mais je suis convaincu que j’en aurai, et que ce sera… Bien mieux que moi avec mon père…
Puis, très rapidement, vers 10 heures et quart, j’ai des idéaux, des motivations, des envies, des besoins, des utopies… Des désillusions… Mais un appartement, une famille, et un chat, une voiture, une chaîne HI-FI, une grande télévision, un magnétoscope… Un avenir tout tracé… Un divorce… Et, trop vite, des mensonges plein la tête, auxquels je veux bien croire…
Car c’est ma vie… Mon destin… Mon Karma…
Et donc, je continue, il est 10 heures 30, j’écris des chansons, j’ai un groupe, des cheveux, une société, un pantalon en cuir, un associé, une nouvelle compagne, je suis presque un artiste…
Je vis à 200 à l’heure… Et je fais semblant d’y croire…
Grave erreur !
Il est 11 heures ! J’essaye de reconstruire ma vie dissolue, du moins le crois-je… Suite à une dépression, j’entame une psychanalyse qui durera 11 ans, je jette ma télévision, je hais les ordinateurs mais je me forme en informatique, sinon, professionnellement, je serai déjà fini et je vis réellement, mais en pointillés, mon rôle de père, je découvre la sculpture et j’essaye d’oublier mes haines, mes rancœurs, mes pulsions, mes envies de vengeance, et tout ce dégoût de…
11 heures 30. Jusqu’ici, tout va bien. J’ai l’impression, pour la première fois depuis… trop longtemps, de gouverner ma vie. Bizarre comme sensation ! Il m’arrive même, parfois, de m’écouter… J’ai pris mon 1er appartement, seul, et je m’y sens étrangement bien…
Chez moi…
Il est midi ! Pour moi, le milieu de Ma Vie sous cette forme, encore, très matérielle. Je crois que je me suis fait rattrapé, par quelque chose que je n’imaginais pas, mais que j’attendais… Sûrement depuis longtemps… Si je doute, à ce moment, encore et toujours, un peu de moi, d’autres ont confiance : Ma vie bascule, de mon plein gré ?
Midi passé. Aujourd’hui. Maintenant.
Qui suis-je ?
Ou suis-je ?
Pourquoi ?
Comment ?
Et ce, jusqu’à quand ?
Bref, Ou vais-je ?